Portraits Holistiques
Telles des bulles fragiles portées au gré de quelques souffles les images que produit Joachim Bonnemaison ces dernières années composent cette quête qu’il mène déjà depuis longtemps, - depuis toujours en vérité : s’attacher à la définition même de la photographie, de son acte premier, celui de « prendre » un photographie. Cette expression triviale n’est cependant pas si banale quand elle consiste, en effet, en une appropriation du monde. Démarche mégalomane ? Intention tautologique ? La saisie constitue cette fonction première de l’acte photographique. S’attacher à cet essentiel est probablement l’une des clés de compréhension des images et de l’oeuvre de Joachim Bonnemaison. Il nous dit aussi combien la photographie est un art à la machine. Là aussi, plus qu’une évidence, c’est la référence aux Lumières, au positivisme, qu’il convoque. Conférer à l’homme une vision sur-humaine c’est la fonction même de la machine. Dès lors, à marche forcenée, Joachim Bonnemaison invente.
De l’exploration des utopies naturalistes : l’oeil d’abord, espace globulaire par essence qui, détermine le champ de la représentation dans un espace curviligne, la vision binoculaire qui ouvre à la perception du relief, la mobilité du regard enfin qui embrasse le monde. D’appareils en systèmes optiques, le parcours de l’artiste (ingénieur en même temps) est là aussi étonnant : du Globuscope aux circum panoramiques, des préceptes de Mangin aux « tondos » holistiques d’aujourd’hui Joachim Bonnemaison explore tous les champs de la représentation du monde avec le lequel il en découd. Il choisit avec attachement dans tout ces possibles et s’attaque aux grands genres. Son érudition fait merveille : la référence et la citation dans ses œuvres sont autant d’invitations aussi délicieuses que déroutantes.
On reconnaît et on se perd. C’est classique et inconnu.
La photographie est indicielle, c’est entendu. Mais avec les portraits de Joachim Bonnemaison, la perspective identitaire est décuplée : ses images bullaires, à l’apparence ludique et à la découverte plaisante et immédiate n’occultent pas une certaine complexité. Le rituel du portrait, la séance – qui prend ici tout son sens –, le regard qui se pose autant que le modèle se fige, les éléments de la composition argumentent dans la reconnaissance de la figure humaine. On peut difficilement se soustraire aux portraits pour toutes ces raisons.
Déroutants en même temps qu’évidents, ils se révèlent dans des allusions contradictoires : à la façon des Epoux Arnolfini ou desAmbassadeurs, le portrait officiel transmet une image imposée par sa forme et son écriture. Nous y sommes – de plain pied –, mais dans le même temps l’espace est déconstruit, morcelé, quasi cubiste et pourtant tout se concentre dans le tondo, figure fédératrice de ces éparpillements et de ces contradictions.
Il n’y plus de tradition de la représentation, photographique ou non, c’est l’expérimentation absolue du réel qui se traduit ici, il y a la globalité du motif, du sujet ou du modèle. Le temps photographié, observé est également de la partie. Comme il faut un photographe pour capter ces images, que sa présence influe elle-même sur la réalité qu’il explore ou interroge, le hors-champ, si cher au cinéma, est également là : ici, le portrait ressemble à qu’il-advient. C’est donc tout un monde de la figure humaine que nous transmet Joachim Bonnemaison, c’est même le monde entier.
* Dominique Gaessler est éditeur.
Il a fondé Trans Photographic Press, Paris.
www.transphotographic.com
L’origine du monde 2013
La poupée rose d’Amir Hossein Kür Bey :
« le petit ours blanc et le grand ours brun. »
L’origine du monde 2013
La poupée rose d’Amir Hossein Kür Bey :
« le petit ours blanc et le grand ours brun. »
Petit ours blanc a trouvé sa couche. Il s’est plaisamment vautré sur l’or brun afin de faire bon ménage avec la poupée endimanchée. Et on le comprend ! Comme on comprend ceux qui ont été à l’Origine du Monde (cf. le tableau référentiel de G. COURBET), ces Bey or not Bey qui ont passé commande et ont cru voir dans la peinture ces mirages repris depuis par la photographie. Il faut bien être analyste comme le grand Jacques L ( possesseur pendant un temps de l’œuvre sus-citée) pour se rendre compte que depuis JC , après qu’un poète ait dit que J est un autre, le C. se vexe quand on le dit cave ( à comprendre in situ) .
Si on n’apprécie pas nos jeux de mots stupides, on peut, au moins, se laisser aller au plaisir de voir, dans la boule, la peau de l’ours qui nous a tant fasciné quand nous étions petits et que l’on aurait jamais voulu vendre pour rien au monde lorsque nos yeux étaient rivés sur le trou de serrure séparant l’univers de l’innocence de celui des parents .
Et c’est au sein d’un kaléidoscope désirant que Joachim BONNEMAISON nous invite à entrer , sachant que malgré toutes nos expériences ( d’ordre visuel bien sûr ) il ne nous reste qu’une méconnaissance de la chose , à l’image de ce petit ours qui nous regarde de ses yeux étonnés et dans lequel nous nous reconnaissons car il faut toujours une bonne dose de candeur pour continuer d’interroger le monde par la photographie ou , ce qui est pire , par la psychologie . Heureusement, tout de même, que les personnes, intéressées par ces questions, ne désarment pas et scrutent, à l’instar de Joachim BONNEMAISON, tout le mystère du sexe dans les boules (et ici sans faire de jeux de mots stupides ) .
Un conte pour enfants ?
Gilles Perriot Octobre 2013
© Joachim Bonnemaison 2014